Jules, reviens !

  Sortie du métro, direction : université, bâtiment B. Sans voiture à l’horizon : situation rarissime, sans vélo frondeur, je traverse un large boulevard, le cœur léger, quand surgit de ma mémoire un refrain populaire : « A Paris, à vélo, … ». Puis, panne sèche : impossible de me souvenir de la suite, ni du début. Pourquoi ces mots, alors que la chaussée est étonnamment calme ? « A Paris, à vélo, la la la la la la la… » Cet air joyeux m’accompagne.

 Je marche, pensant aux incroyables mécanismes de la mémoire qui nous surprend, nous rassure parfois ou nous met à l’épreuve. Et j’amorce une légère courbe vers le passage piéton quand surgit un engin qui m’effleure à pleine vitesse ! Une roue, surmontée d’un individu en costume cravate ! Un pas de plus et il me percutait. Je le regarde continuer sa route, fier, hautain, propulsé sur le trottoir comme s’il en était le roi… Comment peut-il tenir debout sur ce disque roulant ? Remise de mes émotions, je traverse et croise alors un lycéen sur un skate électrique. Quelle drôle d’époque ! Jules, où es-tu ? Reviens voir ça !

 Quels sont tous ces engins qui nous entourent ? Comment se nomment-ils ? Je me rappelle ma stupéfaction en découvrant un jour, aux abords des Invalides, un groupe de touristes juchés sur de petits promontoires électriques qui avançaient en équilibre, l’air de rien. L’ air heureux.

 Depuis, ça roule à Paris et les piétons n’en mènent pas large. A peine a-t-on le temps d’apercevoir ces machines qu’elles vous laissent à votre misérable condition de marcheur.

  Trottinettes et rollers sont monnaie courante, mais ça, qu’est-ce que c’est ? – Un segway, Madame. Un gy-ro-pode… – Et ça ? – Un hoverboard. Vous voulez l’essayer ? – Heu, non merci. Et lui, là, qui vient de passer devant la vitrine ! Qu’est-ce qu’il avait aux pieds ?! – Une monoroue.

 Quelques heures plus tard, assise dans un bus préhistorique, le nez à la fenêtre, je vois la devanture d’un centre d’Aquabike. J’avais oublié cette mode. Fini les vélos ! On n’avance plus maintenant, on pédale dans l’eau.

Jules Verne, reviens !

Une réflexion sur “Jules, reviens !

  1. Merci et bravo , Sophie pour ces jolis moments de la vie saisis avec tant de sensibilité , poésie, humour et délicatesse . Très agréable de te lire , et toujours interessant . Je suis bluffée par cette habileté et talent à raconter et savoir saisir par l’écriture ces petites mais si belles et amusantes choses sur la vie grâce à ton regard et ta sensibilité . Ca fait un bien fou et rend heureux de lire ces courts petits bijoux . Merci . et …continue !

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